Jean-Pierre Elkabbach, vous recevez ce matin Reza Pahlavi, le fils du Shah d’Iran, renversé il y a 30 ans par la révolution islamique, il publie un livre intitulé “Iran, l’heure du choix”.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Oui, c’est de l’histoire… Reza Pahlavi, bienvenue et bonjour.
[Reza Pahlavi] : Bonjour à vous.
[Jean-Pierre Elkabbach] : D’abord pour vous appeler, j’ai le choix entre Prince, Majesté, Monsieur ou Reza Pahlavi, qu’est ce que vous préférez ?
[Reza Pahlavi] : pour moi.. mon nom c’est toujours Reza Pahlavi, le titre n’importe pas… l’important est que vous entendiez ce que j’ai à dire…
[Jean-Pierre Elkabbach] : Merci d’être en direct sur Europe 1 avec nous… Effectivement comme le disait Marc Olivier, il y a 30 ans l’Ayatollah Khomeiny et la révolution islamique triomphait en Iran. Le shah, votre père, avait quitté quelques jours avant Téhéran. Vous vous souvenez bien sûr de ces jours terribles. Ou étiez-vous, vous ?
[Reza Pahlavi] : A l’époque, je terminais mon stage d’entrainement de pilote à la base aérienne au Texas, j’ai retrouvé mes parents juste après au début du mois de mars et c’est là où les étapes d’exil ont commencé. En fait, j’ai accompagné mon père et ma mère dans cette période.
[Jean-Pierre Elkabbach] : en fait vous étiez des personnes errantes et déplacées… C’était quoi ? Le Maroc, l’Egypte…
[Reza Pahlavi] : Ca a commencé par l’Egypte, le Maroc, les Bahamas, le Mexique, le Panama, retour en Egypte jusqu’au décès de mon père.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Qui vous a le plus ou le mieux reçu…
[Reza Pahlavi]: Absolument, le président Sadate. Je pense pas uniquement au président mais par un vote du parlement…
[Jean-Pierre Elkabbach] : l’Egypte, Hassan II et le Maroc où vous avez vécu pendant…
[Reza Pahlavi] : Au Maroc, après le décès de mon père, j’ai vécu pendant presque 3 ans entre 1981 et 84 avant de retourner aux Etats Unis.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Et maintenant vous vivez où ?
[Reza Pahlavi]: j’habite aux Etats Unis mais normalement je suis entre les Etats Unis et l’Europe.
[Jean-Pierre Elkabbach] : et vous voulez vous installer en Europe..et en France peut être ?
[Reza Pahlavi] : Je pense que l’Europe joue un rôle stratégique extrêmement important, surtout dans cette phase et bien sur au niveau accès, au niveau contact avec la diaspora, les iraniens, ceux de l’intérieur. L’Europe est beaucoup plus importante pour moi au niveau “staging” si j’ose dire …pour être mieux placé pour tous les contacts.
[Jean-Pierre Elkabbach] : vous avez donc longtemps vécu aux Etats-Unis qui, à l’époque de Carter, vous avaient laissé tomber… le régime du shah.. ils l’ont même abattu au profit des religieux.. vous n’êtes pas rancunier alors..
[Reza Pahlavi] : c’était tout un calcul qui avait été fait à l’époque. L’administration Carter pensait que la création d’une ceinture verte islamique ferait barrage ou obstacle à la pénétration du communisme dans la région. C’était la logique de l’époque. Or, ils ont tout de suite compris que c’était la catastrophe. Maintenant vous avez un régime révolutionnaire religieux qui veut exporter sa révolution en place. Qu’est ce qu’il faut faire maintenant ? Tout a basculé dans cette direction depuis.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Reza Pahlavi, est-ce qu’on peut dire que l’exil vous a formé ?
[Reza Pahlavi] : Oui absolument ! Ecoutez, moi je dis que la politique ça ne s’apprend pas à l’université, cela s’apprend comme l’école buissonnière dans la rue tous les jours, avec une interaction avec les gens, les peuples, un monde où il y a des cultures différentes. C’est comme ça qu’on apprend. .. en voyant.. en connaissant la souffrance des gens.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Est ce que vous êtes retourné en Iran, même une seule fois …déguisé, clandestinement ?
[Reza Pahlavi] : J’ai pas pu être chez nous physiquement… mais j’y suis tous les jours…parce que, depuis 28 ans il n’y a pas un jour où je ne suis pas en contact d’une manière ou d’une autre avec quelque chose qui se rattache à l’Iran.
[Jean-Pierre Elkabbach] : On peut dire qu’il y a internet et le téléphone portable.. donc les gens vous racontent.
[Reza Pahlavi] : Oui bien sur… à l’époque où j’étais au Caire, on n’avait même pas de fax. J’ai envoyé mon premier message par télex . Aujourd’hui vous avez votre Blackberry et vous pouvez communiquer avec qui vous voulez à l’intérieur du pays en s’envoyant des SMS … la technologie aide..
[Jean-Pierre Elkabbach]: Joe Biden, le vice-président de Barack Obama, proposait samedi à Munich de discuter avec l’Iran. D’abord, est-ce que c’est une bonne idée et ensuite est-ce qu’il n’y a pas un changement dans l’attitude d’Obama et des Etats Unis puisque cette fois ci ils ont mis 2 conditions ?
[Reza Pahlavi]: Absolument… n’oublions pas qu’à l’époque où Monsieur Obama était en période de campagne… il avait utilisé une phrase assez cliché en disant “je n’imposerai aucune pré-condition pour parler aux iraniens” Depuis, c’est à dire aussi récemment qu’il y a 2 ou 3 jours, durant cette conférence de Munich, on a vu que les choses ont changé et que déjà 2 pré-conditions ont été ajoutées à condition de dialogue avec l’Iran. C’est à dire : arrêt d’enrichissement et fin du soutien au terrorisme.
[Jean-Pierre Elkabbach]: Est ce que cela veut dire que c’est la fin de la naïveté ?
[Reza Pahlavi]: Je ne sais pas si c’est la fin de la naïveté quand on parle surtout des Etats-Unis mais en tout cas c’est pas aussi ouvert qu’on pensait.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Reza Pahlavi, vous, vous écrivez que 2009 sera l’année de tous les dangers pour l’Iran. Que voulez vous dire ?
[Reza Pahlavi] : Parce qu’on se rapproche dangereusement de la ligne rouge… c’est toute la raison pour laquelle j’écris ce livre. C’est à dire pour dire surtout aux européens : si on veut éviter la guerre ..parce que ce n’est certainement pas un scénario qu’on veut avoir..
[Jean-Pierre Elkabbach]: vous ne recommandez pas une intervention militaire ponctuelle contre l’Iran…
[Reza Pahlavi] : Absolument pas… c’est pour l’éviter que je propose cette 3e voie… je dis que c’est l’unique voie qui nous reste puisque la diplomatie a échoué… entre temps, l’Iran se rapproche de la bombe… est-ce qu’on va aller attaquer le pays ? certainement non, ce n’est pas la solution…il ne reste qu’une seule solution c’est investir sur la meilleure force sur place qui peut aider à une transition : ce sont les iraniens.. personne a dialogué avec eux depuis 30 ans…alors parler au régime, si vous voulez, moi je ne suis pas contre mais parler en tout cas cette fois ci avec les iraniens. Il est grand temps après 30 ans de commencer à parler à l’opposition démocratique.
[Jean-Pierre Elkabbach]: mais qui a la légitimité ? … vous dites les iraniens et le régime..
[Reza Pahlavi]: C’est la cause qui a la légitimité. Moi je ne suis qu’un messager… c’est la cause qu’on défend qui est légitime… C’est la question des Droits de l’Homme, c’est la question des libertés démocratiques et l’Iran sans être doté d’un régime qui soit transparent, responsable et par conséquent un régime laique, démocratique, ne pourra pas évoluer.
[Jean-Pierre Elkabbach]: On nous dit qu’il y a des élections présidentielles, que l’ex président iranien, l’Ayatollah Khatami dont on disait qu’il était réformateur va se représenter,… Est-ce que c’est un progrès ? Est-ce que c’est par là que viennent les solutions ?
[Reza Pahlavi]: On a essayé la réforme, elle a échoué… le problème se situe dans le régime même et sa nature… la seule formule possible c’est d’évoluer au-delà même de ce régime. Nous cherchons à le faire de la manière la moins sanglante c’est-à-dire, à travers une désobéissance civile et la non-violence avec un soutien international…
[Jean-Pierre Elkabbach] : Reza Pahlavi-Gandhi… le Mahatma Gandhi ??
[Reza Pahlavi] : Pourquoi pas… moi j’ai étudié beaucoup de cas… du Mahatma Gandi en passant par Mandela… les mouvements en Europe de l’Est… quand on parle de la Serbie…enfin toutes ces révolutions de velours qui sont basées sur la désobéissance civile…
[Jean-Pierre Elkabbach] : l’Iran, d’après ce qu’on me dit connait une littérature féminine abondante qui circule sous le manteau, qui est un appel à la liberté. D’après ce que vous savez, de quoi les gens souffrent dans votre pays aujourd’hui ? Vous ne voulez peut-être pas être impartial mais, à votre avis, d’après ce que vous savez ?
[Reza Pahlavi] : Avant tout c’est la situation économique… ça va sans dire.. aujourd’hui il y a un malaise économique c’est plus qu’un malaise, c’est vraiment la catastrophe. Il y a le taux de pauvreté, le taux de chômage, les prix exorbitants..
[Jean-Pierre Elkabbach] : Le prix du pétrole qui baisse..
[Reza Pahlavi] : En plus ! On va vers une crise économique mais au-delà de cette crise économique pour expliquer comment en sortir c’est la façon dont le pays est géré… Or, si vous êtes géré par un régime corrompu et mafieux on ne peut pas s’attendre à ce qu’il y est vraiment un changement réel.
[Jean-Pierre Elkabbach]: L’Iran a placé la semaine dernière en orbite un satellite de fabrication 100 % iranienne baptisé OMID, espoir. Des experts français disent que ce satellite n’est qu’une caisse à savon qui va vite retomber, mais n’est-ce pas un pas de plus pour que l’Iran dispose de fusées capables de frapper Israel et le sud-est de l’Europe.
[Reza Pahlavi] : Potentiellement bien sûr. Cela fait partie de tout un programme nucléaire. Tout ceci ne peut que renforcer l’inquiétude légitime que le monde a sur le comportement de ce régime et sa nature, sa non-transparence… Ce côté toujours à vouloir ne pas franchement aborder les choses..
[Jean-Pierre Elkabbach] : Et qu’est ce que vous demandez, Reza Pahlavi, j’ose pas dire à la communauté internationale, Hubert Védrine dit toujours que cela ne représente rien… mais à l’Europe par exemple ?
[Reza Pahlavi]: Justement, nous avons un créneau de temps devant nous… quand je dis nous c’est… nous iraniens, vous européens, on regarde ensemble dans cet espace vital dans lequel nous vivons ensemble… Nous avons des intérets communs. Vous avez vos intérets stratégiques, nous avons nos intérets nationaux mais la question reste : pour éviter le conflit qui sera inévitable à mon avis, il faut arriver à trouver une formule avant que ce régime ne soit doté d’une arme atomique, à trouver une façon de dénouer l’affaire… C’est là où j’interviens en disant : aidez nous à pouvoir de l’intériue faire avancer les choses…
[Jean-Pierre Elkabbach] : De l’intérieur et démocratiquement si c’est possible.
[Reza Pahlavi]: Plus que possible… Et d’avoir un processus et de forcer ce régime au recul.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Les prochaines élections c’est bidon ?
[Reza Pahlavi] : Bien sûr que c’est bidon… c’est théâtral.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Vous Reza Pahlavi, héritier du trône de votre père le Shah d’Iran, est-ce que vous croyez que vous pourrez un jour jouer un rôle dans un Iran démocratique et laïque ?
[Reza Pahlavi] : Je suis toujours prêt à servir mon pays peu importe dans quelles capacités… C’est à mes concitoyens de choisir mais en tout cas aujourd’hui je n’ai qu’une seule mission c’est celle de libérer mon pays.
[Jean-Pierre Elkabbach]: Mais c’est pas pour venger l’oeuvre de votre père ?
[Reza Pahlavi] : Non, c’est pour amener ce que les iraniens ont toujours voulu avoir : une vraie chance de participation et de liberté.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Donc ici, en Europe et peut être à Paris vous vous préparez avec l’espoir d’être un jour un recours pour l’Iran.
[Reza Pahlavi] : Je suis toujours leur serviteur.
[Jean-Pierre Elkabbach] : Merci, bonne journée Reza Pahlavi
Marc-Olivier Fogiel : Merci Reza Pahlavi, merci Jean-Pierre…. votre invité demain ?
[Jean-Pierre Elkabbach]: exclusif, Jean-Pierre Jouyet.