WASHINGTON, de notre envoyée spéciale
“Tout d’abord, une question plutôt de forme que de fond, comment faut-il s’adresser à vous ? Je demande cela car, pour la grande majorité des Iraniens en dehors du pays, vous êtes le chah.
Je suis Reza Pahlavi, je laisse le choix du titre aux autres.
Quel jugement portez-vous sur l’élection présidentielle du 8 juin en Iran ?
Je ne prévois aucun changement. Une fois encore, le régime fait tout pour manipuler le peuple en prétendant organiser des élections légitimes, alors que les Iraniens savent désormais que ce n’est qu’une farce.
Mais, il y a quatre ans, les Iraniens ont massivement participé aux élections…
Je pense que les Iraniens ont voté alors contre l’establishment. Mohamad Khatami s’est fait élire car il a promis la réforme, qui était, il y a quatre ans, la seule expression d’un mouvement progressiste. Aujourd’hui la situation est différente, car il n’a pas pu tenir ses promesses. Et, en sa qualité de plus haute autorité gouvernementale, il n’a aucun pouvoir, ni même le contrôle de la radio et de la télévision. Pire, M. Khatami a été incapable de prendre des positions fermes face aux éléments plus durs du régime. A la moindre secousse, il s’est toujours rangé du côté du régime.
Vous parlez souvent de la nécessité d’un référendum. Comment l’envisagez-vous ?
Je pense que, pour y parvenir, il faut que la communauté internationale commence à faire pression sur le régime. Par exemple, les Américains ne devraient pas envisager de lever des sanctions contre ce régime sans conditions. Les Européens, qui parlent d’une expansion des investissements en Iran, devraient eux aussi, en échange, réclamer certaines réformes, par exemple: libérer les étudiants, lever la censure sur les journaux et, pourquoi pas, organiser un référendum.
Comment convaincre les Occidentaux ?
C’est une question de conscience. Mon rôle désormais est d’attirer l’attention sur le fait que les Iraniens réclament une solution démocratique et qu’ils ne croient plus aux réformes promises. En dehors du pays, mon rôle est celui de catalyseur permettant une unité d’action. Aujourd’hui, le moment est venu pour la gauche comme pour la droite, républicains et monarchistes, de trouver une unité d’action.
Vous dites que vous ne représentez pas l’ancien régime, que représentez-vous ?
C’est vrai, je ne me présente pas comme le représentant d’une institution particulière mais comme un catalyseur qui a pour but la démocratie dans son pays.
Etes-vous aussi soutenu en Iran ?
Je suis en contact permanent avec beaucoup de personnes en Iran, des gens qui sont au sein même du régime, je parle des pasdarans, des bassidjis – des gardiens de la Révolution, des officiers ou des religieux –, à qui je dis : vous n’êtes pas obligés de chavirer avec ce navire qui prend l’eau.
Vous dites cela avec beaucoup d’assurance…
Je le dis avec conviction car nous savons que les Iraniens ne soutiennent plus le régime. En quatre ans, ils ont beaucoup appris ; désormais avec la haute technologie, il existe un véritable lien entre les Iraniens et le reste du monde. Je pense donc que le moment du changement est venu. Je pense évidemment à une transition sans violence comme nous avons pu le voir récemment en Serbie. Mon inquiétude évidemment est que, dans ce cas-là, le régime opte pour la violence.
Quel est votre message à la communauté internationale ?
Je dis, écoutez les Iraniens. Pendant vingt-deux ans, vous avez oublié les Iraniens, ils sont près de 70 millions aujourd’hui à réclamer la liberté, qu’on les écoute. Je dis à l’Occident: le pétrole qui coule dans vos oléoducs n’est pas plus important que le sang qui coule dans les veines des Iraniens.
Avec le recul, qu’est-ce qui, à votre avis, justifie la révolte du peuple iranien en 1979 ?
Il est évident que beaucoup d’erreurs et d’excès ont été commis avant la révolution. Je ne nie pas cela, au contraire. Il y avait évidemment un manque de liberté politique, je ne nie pas non plus que la révolte a été populaire, mais ceux qui ont fait la révolution ne voulaient pas ce résultat, l’Iran a régressé depuis vingt-deux ans. Cela dit je préfère parler de l’avenir, l’Histoire jugera ce qui s’est passé à l’époque.
Quel est, à votre avis, le système politique le mieux adapté pour l’Iran d’aujourd’hui ?
La question devra être décidée par les Iraniens. Ce qui compte pour moi est le contenu du régime, qui doit être basé sur des principes démocratiques. Dans ce schéma, la forme est secondaire, une république ou une monarchie constitutionnelle, peu importe, ce qui compte est que le régime soit démocratique.
Quel serait votre rôle dans une république ?
Celui du citoyen engagé.”
Propos recueillis par Afsané Bassir Pour